Depuis toujours, l’être humain apprécie la forêt pour l’atmosphère paisible qui y règne, l’harmonie des paysages, la douceur du climat, les parfums agréables ainsi que l’air frais et pur.
Et si nos promenades dans les bois nous apportaient bien davantage que ce délicieux sentiment de zénitude?
En japonais, shinrin signifie « forêt » et yoku, « bain ». Ainsi, shinrin-yoku, ou « bain de forêt », signifie se baigner dans l'atmosphère de la forêt, ou s'imprégner de la forêt à travers nos sens.
Reconnue au Japon depuis 1982, la thérapie par les bains de forêt a été largement popularisée par le Dr Qing Li, immunologue au Département de santé publique de l’Université de Tokyo.
À ce jour, le bain de forêt accompagné est remboursé par l’assurance maladie au Japon, en Chine et en Corée, et les universités japonaises proposent une spécialisation médicale en « sylvothérapie ».
Sans grande surprise, le concept de bain de forêt compte un nombre grandissant d’adeptes partout sur le globe en réaction à la vie quotidienne trépidante de notre société moderne.
Plusieurs études ont démontré qu’une immersion en milieu forestier, après seulement 40 minutes, avait le pouvoir de diminuer le stress mental et l’anxiété, la colère, la fatigue et la confusion, et d’augmenter les capacités d’attention et de concentration. Ont été observés une diminution du cortisol (hormone de stress), de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle, ainsi qu’une baisse de l’activité de la zone préfrontale du cerveau.
Le Dr Qing Li, pour sa part, s’est intéressé à l’action des bains de forêt sur les défenses immunitaires. Il a entre autres étudié des sujets ayant séjourné trois jours et deux nuits en forêt. Conclusion? Cette immersion a stimulé fortement les cellules immunitaires NK (Natural killer), impliquées dans la prévention de certaines infections et empêchant le développement de cellules tumorales.
Fait surprenant, l’augmentation d’activité des cellules NK s’est prolongée plus d’un mois après les trois jours en forêt. Par contraste, une visite touristique de trois jours dans une ville n’a aucun pouvoir sur l’augmentation du nombre ni de l’activité des cellules NK.
Des molécules appelées phytoncides, émises par les arbres pour se défendre contres les bactéries et champignons pathogènes, seraient à la base des effets bénéfiques du bain de forêt.
Plusieurs de ces molécules, que nous pouvons humer dans certaines forêts, notamment de conifères, se trouvent dans la famille des terpènes : limonène, pinène... Les phytoncides ont une action bénéfique sur le système nerveux parasympathique, qui régule entre autres toutes les fonctions de détente du corps. Le silence et les sons de la nature stimulent eux aussi la fonction parasympathique.
Couleurs de liberté, d’équilibre et de détente, les multiples nuances de bleu et de vert observées lorsque le soleil joue à travers les feuilles des arbres ont pour effet de rassurer le cerveau, l’incitant à ralentir.
Le spectre lumineux de la lumière naturelle couvre également de façon optimale tous les besoins physiologiques humains (sécrétion hormonale, cognition, sommeil, humeur...), contrairement aux lumières artificielles.
Les feuilles des arbres agissent à titre de filtres naturels capables de purifier l’air. Les particules polluantes sont admirablement retenues par les micro-poils, invisibles à l’œil nu, présents sur toutes les feuilles. Ainsi, l’air en forêt est entre cent et mille fois plus pur selon les régions, comparé à la ville. Le cerveau fonctionne mieux.
Les ions négatifs, abondants en milieux forestiers et capables de neutraliser les radicaux libres, auraient également un effet énergisant et rafraichissant contribuant à une plus grande clarté d’esprit et un sentiment de bien-être global.
Dans presque tous les sols forestiers, on retrouve cette bactérie à priori banale. Pourtant, de récentes études ont démontré qu’elle jouait le rôle « d’antidépresseur naturel » par stimulation de la libération cérébrale de sérotonine et de dopamine. Des effets bénéfiques sur le système immunitaire et sur les capacités cognitives ont également été observés à son contact (toucher, inhalation de microparticules ambiantes...)
Pendant un bain de forêt, on délaisse évidemment ses préoccupations, mais également son téléphone cellulaire et son appareil photo! On apporte une petite couverture pour s’asseoir, de l’eau à boire et un petit goûter au besoin.
L’idée étant d’éveiller en conscience les cinq sens à tout ce qui nous entoure, on en profite pour regarder la mousse sur les roches, écouter le chant des oiseaux, le murmure du ruisseau, toucher aux arbres, respirer profondément, déguster une mûre sauvage cueillie au passage... Il ne s’agit pas d’une séance de mise en forme. On se déplace très lentement, et on se pose au gré de nos envies, pour contempler, tout simplement. Dès la première séance, le bain de forêt amène à se recentrer, se reconnecter à l’essentiel, se sentir émerveillé par la beauté du vivant.
Alors, on essaie?
Références
Li, Quing. (2018). Shinrin yoku : l'art et la Science du bain de forêt. Paris: Éditions First, 309 p.
Kotera, Y., Richardson, M. & Sheffield, D (2020). Effects of Shinrin-Yoku (Forest Bathing) and Nature Therapy on Mental Health: A Systematic Review and Meta-Analysis. Int. J. Ment. Health Addict; 1-25.
Antonelli, M., Barbieri, G. & Donelli, D. (2019). Effects of forest bathing (shinrin-yoku) on levels of cortisol as a stress biomarker: A systematic review and meta-analysis. Int. J. Biometeorol; 63, 1117–1134.
Ideno, Y., Hayashi, K., Abe, Y. & al. (2017). Blood pressure-lowering effect of Shinrin-yoku (Forest bathing): A systematic review and meta-analysis. BMC Complement. Altern. Med; 17: 409.
Putra, R.R.F.A., Veridianti, D.D., Nathalia, E. & al. (2018). Immunostimulant effect from phytoncide of forest bathing to prevent the development of cancer. Adv. Sci. Lett; 24, 6653–6659.
Li, Q. (2010). Effect of forest bathing trips on human immune function. Environ. Health Prev. Med; 15(1): 9–17.